X — Intéressant d'avoir utilisé la mise sous enveloppes de notre première campagne de communication papier pour faire un pseudo-atelier cocottes. J'ai l'impression d'avoir mieux compris des trucs du Lean.
Moi — Alors qu'est-ce que tu en as retenu, à chaud ?
X — Le truc qui fait le plus mal, c'est d'avoir perdu un tour bêtement. On s'est tout de suite tellement focalisé sur le flux - aller le plus vite possible - qu'on ne s'est même pas rendu compte des défauts sur les enveloppes. Pas une de correct, elles étaient toutes gondolées ou mal collées.
Moi — Alors que tout le monde sait évidemment mettre deux feuilles dans une enveloppe avant de la fermer !
X — Heureusement qu'on a creusé cet aspect qualité d'ailleurs : on aurait pû vite rester bloqué sur le poste qui n'arrivait pas à mettre les feuilles dans l'enveloppe alors que le problème était deux postes en amont sur le pliage des feuilles. Si les plis ne sont pas exactement à un tiers de la feuille, elle devient presque impossible à glisser dans l'enveloppe au bon tempo : il y a toujours un coin à forcer ou à repositionner.
Moi — Un bel exemple de jidoka.
X — Carrément : vu qu'on s'est arrêté pendant le tour, on a réussi à remonter facilement jusqu'au poste qui produisait de la non-qualité pour l'aval. Alors même qu'il ne s'en rendait pas compte du tout.
Moi — D'autres trucs que tu as sentis ?
X — L'état de fluidité à la fin : on avait l'impression que tout coulait. Une belle horlogerie ! Quand tu déposes la feuille pliée alors que la précédente vient d'être prélevée par le poste suivant, quelle sensation étrange : c'est très satisfaisant. Comme si tout roulait sans entrave.
Moi — On parle parfois du flow pour toucher du doigt ce sentiment. Mihaly Csikszentmihalyi en a fait un livre très intéressant (et une vidéo TED pour les pressés). Il y montre en particulier que même un opérateur sur une chaîne industrielle peut vivre cette expérience.
X — J'imagine que toute la difficulté tient à maintenir cet état.
Moi — Précisement, c'est pourquoi on insiste tellement sur la maintenance dans le Lean : devoir s'arrêter parce que la machine ne fonctionne pas bien est un manque de respect auprès des opérateurs. Eux aussi ont droit de travailler dans de bonnes conditions.
X — Faut dire quand même que nous avons fait des tours assez courts : quelques minutes de production, avant d'explorer comment améliorer le process.
Moi — Je n'ai jamais dit que la maintenance était la panacée : avoir du temps pour se faciliter la vie au travail est aussi primordial, surtout quand on le couple avec le droit d'arrêter la chaîne.
X — Encore un truc que je dois apprendre : jamais je n'aurais eu l'idée de refuser de travailler alors même que je sentais bien que mes enveloppes n'étaient pas top quand je les terminais lors du premier tour.
Moi — Et surtout un truc que je ne transmets pas assez.